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Hausse des taux d'intérêt, la souffrance sans les résultats

NEW YORK – La détermination sans faille des banques centrales à rehausser les taux d’intérêt est absolument stupéfiante. Au nom de la maîtrise de l’inflation, elles ont choisi une trajectoire vouée à provoquer une récession – ou à l’aggraver si cette récession devait survenir en tout état de cause. Les banques centrales reconnaissent par ailleurs ouvertement la douleur qu’infligeront leurs politiques, même si elles ne s’attardent pas sur le fait que ce sont les catégories pauvres et marginalisées, pas leurs amis de Wall Street, qui en souffriront le plus. Aux États-Unis, ce sont les personnes de couleur qui seront les plus disproportionnellement impactées.

Comme le démontre un nouveau rapport du Roosevelt Institute, à la rédaction duquel j’ai participé, les éventuels bienfaits d’une démarche supplémentaire de réduction de l’inflation par la hausse des taux d’intérêt seront minimes, par rapport à ce qu’il se produirait sans nouvelle hausse. L’inflation semble d’ores et déjà s’atténuer, sans doute dans une moindre mesure que l’espéraient les plus optimistes il y a un an – avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie – mais elle s’atténue pour autant, précisément pour les raisons qu’avaient indiquées ces optimistes. Ils prévoyaient par exemple que les prix automobiles, poussés à la hausse par une pénurie de puces électroniques, finiraient par retomber à mesure de la résolution des goulots d’étranglement. C’est bel et bien ce que nous observons, les stocks automobiles enregistrant en effet une hausse.

Les optimistes avaient également prédit une baisse des prix du pétrole, plutôt qu’une poursuite de leur augmentation, ce qui s’est ici encore précisément produit. En effet, compte tenu de la diminution du coût des énergies renouvelables, le prix du pétrole à long terme est voué à tomber en dessous de son niveau actuel. Quel dommage que nous n’ayons pas amorcé plus tôt la transition vers les énergies renouvelables. Nous aurions été bien davantage à l’abri des caprices des prix des énergies fossiles, et beaucoup moins vulnérables face à ceux des dictateurs de pétro-États tels que le président russe Vladimir Poutine ou le dirigeant saoudien va-t-en-guerre et assassin de journalistes, le prince héritier Mohammed ben Salmane (souvent appelé MBS). Estimons-nous heureux que les deux hommes aient échoué dans leur tentative évidente d’influence des élections américaines de mi-mandat 2022, via une importante réduction de la production pétrolière au début du mois d’octobre.

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