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Nikki Haley doit maintenir sa candidature à l'investiture du GOP

WASHINGTON – Rendons grâce à Nikki Haley. L’ancienne gouverneure de Caroline du Sud et ancienne ambassadrice des États-Unis aux Nations unies, a résisté aux pressions de ceux qui voulaient la voir mettre un terme à sa campagne pour les primaires républicaines de l’élection présidentielle, une décision qui ferait automatiquement de Donald Trump le candidat de son parti.

Étant donné les dégâts que ne manquerait pas de causer la politique de Trump s’il est élu en novembre, Haley doit maintenir sa candidature jusqu’à la convention du parti républicain, au mois de juillet. Trump envisage de « sanctuariser » l’économie américaine en imposant des droits de douane de 10 % sur toutes les importations et en rétrogradant le régime commercial de la Chine, ce qui aurait pour effet d’augmenter substantiellement les tarifs douaniers. Il a même évoqué la possibilité de frapper la Chine avec des taux de 60 % ou plus sur ses biens exportés aux États-Unis.

Un droit universel de 10 % aurait les mêmes effets que les droits imposés par Trump lorsqu’il était président : des coûts plus élevés pour les biens intermédiaires et des mesures de rétorsion, avec, à la clé, moins d’opportunités d’emploi pour la main-d’œuvre des industries manufacturières. En outre, les prix de nombreux biens de consommations s’envoleraient. Les économistes de Capital Economics estiment qu’une telle politique commerciale, couplée à de nouvelles attaques économiques contre la Chine, coûterait aux États-Unis, 1,5 % du PIB.

Haley a répliqué à Trump et fustigé « ses droits de 10 % sur tout, [qui vont] augmenter les impôts [indirects] de chaque citoyen américain ». Reprenant à son compte une analyse du Syndicat national des contribuables (National Taxpayers Union), elle a ajouté que Trump allait « augmenter les dépenses de chaque ménage de 2 600 dollars annuellement ». Un chiffre qui pourrait être beaucoup plus élevé si l’ex-président met à exécution sa menace d’exiger pour les produits chinois un droit de douane à 60 % .

Les projets de Trump concernant l’immigration, s’ils voient le jour, seront également désastreux. Il a juré d’entreprendre la plus grande opération d’expulsion de toute l’histoire des États-Unis, qui désorganiserait les communautés locales et laisserait les entreprises en panne de main-d’œuvre. Dans des secteurs comme la restauration, les loisirs et l’hôtellerie, les consommateurs devraient affronter une baisse de qualité du service et une hausse du prix.

Trump continue de diaboliser les immigrants, et les a récemment accusés d’« empoisonner le sang » des États-Unis. Cette rhétorique est moralement répréhensible. Elle menace aussi d’entamer à moyen terme la prospérité du pays. L’attrait exercé partout dans le monde par les États-Unis sur les personnes les plus ambitieuses, les plus disposées à travailler dur, les plus enclines à courir des risques a jusqu’à présent alimenté la santé économique du pays. Avec ses diatribes, Trump ne fait rien moins qu’accrocher au cou de la statue de la Liberté un écriteau, où il a inscrit ces mots : « Les immigrants ne sont pas les bienvenus. »

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Un nouveau mandat de Trump représenterait aussi un danger tant pour la stabilité intérieure et internationale que pour l’État de droit – les deux piliers sur lesquels se fonde notre prospérité. En continuant à diviser les Américains en fonction de critères raciaux ou sociaux, en persistant dans ses mensonges sur le résultat des élections présidentielles de 2020, l’ancien président déchire le tissu social du pays et attise les flammes de la violence politique. Beaucoup craignent, à juste titre, qu’il sape les alliances internationales, voire qu’il retire les États-Unis de l’OTAN alors que la guerre fait rage en Europe. Lors d’un meeting de campagne, samedi dernier, Trump s’est montré disposé, le cas échéant, à se ranger du côté de la Russie plutôt qu’à soutenir les alliés des États-Unis, allant jusqu’à « encourage[r] » le Kremlin à s’en prendre à un membre de l’Alliance qui ne remplirait pas envers cette dernière ses obligations financières.

Son obstination à répéter qu’il a remporté les élections de 2020 est une trahison de la confiance que la nation lui a faite. Et son soutien éhonté aux émeutiers qui ont pris d’assaut le Capitole – il a lancé sa campagne au son de l’hymne national dans une version enregistrée par le « J[anuary] 6[th] Prison Choir » – a probablement contribué à renforcer dans l’opinion américaine l’approbation de l’insurrection.

Une victoire de Trump accréditerait le récit d’une Amérique victime et sans défense. Dans la vie économique, les récriminations ne sont d’aucune utilité, et sont même contreproductives. Les messages ont leur importance. Dites aux gens que le système est truqué, et vous les verrez en rabattre sur leurs aspirations. Diffusez en revanche une vision optimiste de la vie économique et vous augmenterez chez eux la propension à courir des risques, l’ambition, le goût de l’effort et le dynamisme.

Haley a eu raison quand elle a qualifié Trump de « complet déséquilibré ». L’ancien président a été tellement secoué par les 43 % des votes remportés par Haley lors de la primaire du New Hampshire qu’il n’a rien trouvé de mieux que de menacer ses donateurs. Un tel comportement mafieux offre à Haley une raison suffisante pour se maintenir dans la compétition. Il permet aussi de penser que les chances qu’Haley soit désignée comme candidate par le parti républicain ne sont pas nulles. Trump, alors qu’il fait office de candidat sortant, n’a rallié sur son nom que 54 % des bulletins dans le New Hampshire. Il faut 1 215 délégués pour être désigné par le GOP lors de la convention ; pour le moment, Trump en a 63, et Haley 17. La prochaine confrontation aura lieu en Caroline du Sud, un État où Haley a été élue deux fois au siège de gouverneure.

Un récent sondage mené par la chaîne NBC News donne Haley vainqueure de neuf points de pourcentage si elle est opposée eu président Joe Biden en novembre. Peut-être parce que la politique que mènerait Haley serait plus favorable aux entreprises, aux travailleurs et aux ménages que ne l’est aujourd’hui celle de Biden, qui a contribué à une inflation record des prix à la consommation. En outre, le zèle régulateur de Biden a retardé les signatures de contrats et sa politique de soutien aux industries et à l’énergie vertes n’aboutit probablement qu’à des résultats décevants. Mais le même sondage montre que Biden l’emporterait si l’ancien président, quatre fois mis en examen, est condamné au pénal.

Haley se qualifie elle-même de « combattante heureuse » et elle a parfaitement raison. Elle respire la confiance et l’optimisme qui ont jusqu’à présent si bien défini les candidats républicains heureux, tandis que Trump est comparable à Gollum ; il incarne la bassesse des jérémiades, du complot, d’une soif obscène de pouvoir.

Lors d’un récent rassemblement en Caroline du Nord, Haley a défié Trump : « Allons sur un plateau et débattons ! » et d’ajouter : « Allez, Donald, montrez-moi ce que vous avez [dans le ventre] ! » Lors d’un récent passage dans l’émission télévisée de divertissement « Saturday Night Live », Haley posait à l’acteur qui incarnait Trump une question qu’on devrait répéter tous les jours au vrai Trump : « Pourquoi ne voudriez-vous pas débattre avec moi ? »

La raison tient au contraste entre les deux candidats, qui apparaîtrait au grand jour. Haley, comme elle le dit d’elle-même, est une « combattante en talons [aiguilles] ». Le genre de combinaison qui pourrait devenir le pire cauchemar de Trump.

Traduit de l’anglais par François Boisivon

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