WASHINGTON, DC – L’opération multiple lancée par le Hamas contre Israël, le lendemain de la commémoration de la guerre du Yom Kippour de 1973, rappelle tristement l’affrontement survenu il y a cinquante ans. Audacieuses et inattendues, ces deux attaques ont surpris Israël, et asséné des coups mortels au sentiment d'invincibilité du pays. Il reste à observer si, comme en 1973, l’attaque du Hamas entraînera un bouleversement majeur de la politique israélienne et des relations du pays avec les Palestiniens.
En 1973, l’Égypte et la Syrie s’attaquent à Israël sans prévenir, pénétrant profondément sur son territoire. Dans les premiers jours du conflit, la situation est si grave que le ministre de la Défense, Moshe Dayan, recommande l’utilisation d’armes nucléaires. La commission Agranat, chargée par la suite d’enquêter sur la guerre, invente le terme konceptziyya pour décrire l’arrogance des services de renseignement. Elle reproche au renseignement militaire israélien d’avoir entretenu cette « conception » selon laquelle la puissance de feu écrasante du pays dissuaderait les Arabes d’attaquer, et plus précisément l’idée que l’Égypte s’abstiendrait d’attaquer tant qu’elle ne posséderait pas une puissance aérienne suffisante pour frapper profondément en Israël et neutraliser son armée de l’air.
Aujourd’hui, ces organisations s’accrochent à une konceptziyya selon laquelle la puissance dominante d’Israël dissuadera le Hamas de déclencher une nouvelle guerre. Leurs maîtres politiques, conduits par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, considèrent que les éruptions périodiques de violence palestinienne constituent un problème gérable, et s’imaginent que les occupés accepteront une occupation sans fin.
L’opération du Hamas démontre à quel point cette approche est erronée. Il ne fait désormais plus aucun doute qu’une entité qui appelle constamment à la destruction d’Israël, et qui enlève des civils israéliens, ne peut continuer d’exister aux frontières du pays.
Après la publication des premières conclusions de la commission Agranat en 1974, la Première ministre Golda Meir et Moshe Dayan démissionnent. Meir se retire avec élégance, tandis que Dayan accepte difficilement les appels à sa démission, aux motifs que la commission ne l’a pas recommandée.
Bien qu’il faille s’attendre à ce que Netanyahou se comporte comme Dayan autrefois, il est désormais certain que le Premier ministre verra sa carrière politique de 40 ans s’achever sur une fin honteuse. Si le discours ferme et intransigeant de Netanyahou lui a valu des soutiens en Israël et à l’étranger, il ne s’est jamais inscrit en phase avec la réalité, et le fait que l’opération du Hamas se soit produite sous sa direction relègue instantanément Netanyahou au statut de tigre de papier. Le Premier ministre avait promis que ses politiques soumettraient les Palestiniens, pour finalement voir le Hamas déclencher la pire attaque de l’histoire d’Israël. Il avait assuré que les aides économiques apaiseraient les Palestiniens, pour finalement découvrir que leur attachement à leur terre était plus fort que tout appel à leur porte-monnaie. Sa stratégie n’a jamais consisté en rien de plus qu’autoriser l’armée à agir librement dans les territoires palestiniens.
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Netanyahou l’a prouvé il y a déjà bien longtemps. Durant ses 11 premières années au pouvoir, il avait réagi avec hostilité aux pressions des administrations américaines démocrates, affirmant que le conflit aurait davantage de chances d’être résolu sous la tutelle d’un président républicain. Or, sous l’administration de Donald Trump, tout en profitant des concessions américaines telles que le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, Netanyahou n’a pas proposé le moindre avantage concret aux Palestiniens.
S’il faut s’attendre à ce que la chute de Netanyahou soit lente, celle de ces subordonnés surviendra dans les semaines qui suivront une accalmie de la violence. La commission Agranat a préconisé la révocation d’un petit nombre d’officiers, principalement dans le renseignement. L’introspection provoquée par cette guerre s’étendra toutefois plus profondément dans l’armée, et concernera les échelons supérieurs du service de la sécurité intérieure.
Le Hamas pourrait lui aussi se retrouver confronté à un jour du jugement. L’appareil de sécurité israélien évoque souvent la nécessité de détruire « l’infrastructure terroriste ». L’attaque du 7 octobre lui donnera l’opportunité de le faire.
Une invasion terrestre israélienne à grande échelle s’annonce certaine, et une occupation à long terme probable. Même si les chefs du Hamas se réfugient dans des bunkers souterrains, il n’y trouveront sans doute pas un abri sûr.
Bien que le Hamas et les autres organisations islamistes s’inscrivent dans le cadre de l’histoire musulmane, il convient de les observer sous un prisme contemporain. En 1996, le Mouvement révolutionnaire péruvien Túpac Amaru prend en otage plusieurs centaines de personnes dans la résidence de l’ambassadeur japonais à Lima. Cette attaque spectaculaire capte à l’époque l’attention du monde. L’opération militaire qui en résultera permettra de libérer les otages, tout en assénant à l’organisation un coup fatal dont elle ne se relèvera jamais.
La communauté internationale laissera certainement à Israël beaucoup de liberté pour en faire de même avec le Hamas. Les habituelles expressions d’inquiétude concernant les victimes civiles seront atténuées, comme ce fut le cas lors de la guerre d’Israël contre le Hezbollah en 2006. Les gouvernements occidentaux pourraient quant à eux se rendre utiles en usant de leur influence pour faire pression sur le Qatar et la Turquie afin que les dirigeants du Hamas soient expulsés, leurs quartiers généraux fermés, et leurs collectes de fonds interdites.
Le plus important réside dans la question de savoir si cette attaque marquera la fin d’un chapitre de l’histoire israélienne. La guerre de 1973 et les révélations autour du compte bancaire étranger illégal de l’épouse du successeur de Meir en 1977 conduisirent par exemple à la fin d’une emprise de 29 années du parti travailliste sur le pouvoir.
Aujourd’hui, les clairons israéliens sonnent la vengeance. Lorsqu’ils se tairont, viendra l’heure de l’introspection. Les Israéliens remettront alors en question la konceptziyya selon laquelle ils peuvent profiter des avantages d’un État-nation occidental tout en étant protégés des difficultés que leurs voisins cherchent à leur infliger.
Une renaissance de la gauche israélienne et un renouveau du processus de paix apparaissent néanmoins peu probables. Depuis le rejet par les Palestiniens du plan de paix israélien en 2000, la gauche est en déclin. Aujourd’hui, le parti travailliste est passé du sommet du pouvoir à l’une des plus petites factions de la Knesset israélienne.
En 1973, la prise de conscience qu’Israël n’était pas imprenable positionna le pays sur une trajectoire de paix avec l’Égypte. La plus grande tragédie de la guerre actuelle résidera dans l’incapacité d’en faire de même avec les Palestiniens.
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While "globalization" typically conjures images of long-distance trade and migration, the concept also encompasses health, the climate, and other forms of international interdependence. The perverse irony is that an anti-globalist America may end up limiting the beneficial forms while amplifying the harmful ones.
worries that we will end up with only harmful long-distance dependencies, rather than beneficial ones.
Though Donald Trump attracted more support than ever from working-class voters in the 2024 US presidential election, he has long embraced an agenda that benefits the wealthiest Americans above all. During his second term, however, Trump seems committed not just to serving America’s ultra-rich, but to letting them wield state power themselves.
Given the United Kingdom’s poor investment performance over the past 30 years, any government would need time and luck to turn things around. For so many critics and commentators to trash the current government’s growth agenda before it has even been launched is counterproductive, if not dangerous.
sees promise in the current government’s economic-policy plan despite its imperfections.
WASHINGTON, DC – L’opération multiple lancée par le Hamas contre Israël, le lendemain de la commémoration de la guerre du Yom Kippour de 1973, rappelle tristement l’affrontement survenu il y a cinquante ans. Audacieuses et inattendues, ces deux attaques ont surpris Israël, et asséné des coups mortels au sentiment d'invincibilité du pays. Il reste à observer si, comme en 1973, l’attaque du Hamas entraînera un bouleversement majeur de la politique israélienne et des relations du pays avec les Palestiniens.
En 1973, l’Égypte et la Syrie s’attaquent à Israël sans prévenir, pénétrant profondément sur son territoire. Dans les premiers jours du conflit, la situation est si grave que le ministre de la Défense, Moshe Dayan, recommande l’utilisation d’armes nucléaires. La commission Agranat, chargée par la suite d’enquêter sur la guerre, invente le terme konceptziyya pour décrire l’arrogance des services de renseignement. Elle reproche au renseignement militaire israélien d’avoir entretenu cette « conception » selon laquelle la puissance de feu écrasante du pays dissuaderait les Arabes d’attaquer, et plus précisément l’idée que l’Égypte s’abstiendrait d’attaquer tant qu’elle ne posséderait pas une puissance aérienne suffisante pour frapper profondément en Israël et neutraliser son armée de l’air.
Aujourd’hui, ces organisations s’accrochent à une konceptziyya selon laquelle la puissance dominante d’Israël dissuadera le Hamas de déclencher une nouvelle guerre. Leurs maîtres politiques, conduits par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, considèrent que les éruptions périodiques de violence palestinienne constituent un problème gérable, et s’imaginent que les occupés accepteront une occupation sans fin.
L’opération du Hamas démontre à quel point cette approche est erronée. Il ne fait désormais plus aucun doute qu’une entité qui appelle constamment à la destruction d’Israël, et qui enlève des civils israéliens, ne peut continuer d’exister aux frontières du pays.
Après la publication des premières conclusions de la commission Agranat en 1974, la Première ministre Golda Meir et Moshe Dayan démissionnent. Meir se retire avec élégance, tandis que Dayan accepte difficilement les appels à sa démission, aux motifs que la commission ne l’a pas recommandée.
Bien qu’il faille s’attendre à ce que Netanyahou se comporte comme Dayan autrefois, il est désormais certain que le Premier ministre verra sa carrière politique de 40 ans s’achever sur une fin honteuse. Si le discours ferme et intransigeant de Netanyahou lui a valu des soutiens en Israël et à l’étranger, il ne s’est jamais inscrit en phase avec la réalité, et le fait que l’opération du Hamas se soit produite sous sa direction relègue instantanément Netanyahou au statut de tigre de papier. Le Premier ministre avait promis que ses politiques soumettraient les Palestiniens, pour finalement voir le Hamas déclencher la pire attaque de l’histoire d’Israël. Il avait assuré que les aides économiques apaiseraient les Palestiniens, pour finalement découvrir que leur attachement à leur terre était plus fort que tout appel à leur porte-monnaie. Sa stratégie n’a jamais consisté en rien de plus qu’autoriser l’armée à agir librement dans les territoires palestiniens.
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S’il faut s’attendre à ce que la chute de Netanyahou soit lente, celle de ces subordonnés surviendra dans les semaines qui suivront une accalmie de la violence. La commission Agranat a préconisé la révocation d’un petit nombre d’officiers, principalement dans le renseignement. L’introspection provoquée par cette guerre s’étendra toutefois plus profondément dans l’armée, et concernera les échelons supérieurs du service de la sécurité intérieure.
Le Hamas pourrait lui aussi se retrouver confronté à un jour du jugement. L’appareil de sécurité israélien évoque souvent la nécessité de détruire « l’infrastructure terroriste ». L’attaque du 7 octobre lui donnera l’opportunité de le faire.
Une invasion terrestre israélienne à grande échelle s’annonce certaine, et une occupation à long terme probable. Même si les chefs du Hamas se réfugient dans des bunkers souterrains, il n’y trouveront sans doute pas un abri sûr.
Bien que le Hamas et les autres organisations islamistes s’inscrivent dans le cadre de l’histoire musulmane, il convient de les observer sous un prisme contemporain. En 1996, le Mouvement révolutionnaire péruvien Túpac Amaru prend en otage plusieurs centaines de personnes dans la résidence de l’ambassadeur japonais à Lima. Cette attaque spectaculaire capte à l’époque l’attention du monde. L’opération militaire qui en résultera permettra de libérer les otages, tout en assénant à l’organisation un coup fatal dont elle ne se relèvera jamais.
La communauté internationale laissera certainement à Israël beaucoup de liberté pour en faire de même avec le Hamas. Les habituelles expressions d’inquiétude concernant les victimes civiles seront atténuées, comme ce fut le cas lors de la guerre d’Israël contre le Hezbollah en 2006. Les gouvernements occidentaux pourraient quant à eux se rendre utiles en usant de leur influence pour faire pression sur le Qatar et la Turquie afin que les dirigeants du Hamas soient expulsés, leurs quartiers généraux fermés, et leurs collectes de fonds interdites.
Le plus important réside dans la question de savoir si cette attaque marquera la fin d’un chapitre de l’histoire israélienne. La guerre de 1973 et les révélations autour du compte bancaire étranger illégal de l’épouse du successeur de Meir en 1977 conduisirent par exemple à la fin d’une emprise de 29 années du parti travailliste sur le pouvoir.
Aujourd’hui, les clairons israéliens sonnent la vengeance. Lorsqu’ils se tairont, viendra l’heure de l’introspection. Les Israéliens remettront alors en question la konceptziyya selon laquelle ils peuvent profiter des avantages d’un État-nation occidental tout en étant protégés des difficultés que leurs voisins cherchent à leur infliger.
Une renaissance de la gauche israélienne et un renouveau du processus de paix apparaissent néanmoins peu probables. Depuis le rejet par les Palestiniens du plan de paix israélien en 2000, la gauche est en déclin. Aujourd’hui, le parti travailliste est passé du sommet du pouvoir à l’une des plus petites factions de la Knesset israélienne.
En 1973, la prise de conscience qu’Israël n’était pas imprenable positionna le pays sur une trajectoire de paix avec l’Égypte. La plus grande tragédie de la guerre actuelle résidera dans l’incapacité d’en faire de même avec les Palestiniens.