FEZ – En juillet, le premier ministre irakien Haider al-Abadi annonçait l’extirpation de Daech à Mosul, la deuxième ville du pays, dont s’était emparé le groupe terroriste il y a trois ans. Tôt ou tard, Daech perdra Raqqa, la capitale du califat autoproclamé – et la dernière ville vraiment sous son emprise. Mais ces défaites ne signifient pas que la chute de Daech est imminente, encore moins que le terrorisme islamiste approche de sa fin, ou que les graves conflits du Moyen-Orient se régleront de sitôt.
Il est certain que l’étiolement du rêve d’un califat islamique affaiblira la capacité de Daech et des groupes de même acabit à recruter parmi les jeunes gens marginalisés. Déjà, l’afflux de djihadistes étrangers de la Turquie à la Syrie venu rallier les rangs de Daech s’est tari, de 2 000 par mois à environ 50.
Néanmoins, ces groupes exercent encore une forte attirance. Mais surtout, ils savent comment donner une mission et un sens d’appartenance aux jeunes gens désabusés. Le fait que cette mission implique le meurtre, la terreur et le carnage rend le tout encore plus envoûtant auprès d’une jeunesse désespérée et frustrée.
Malgré les récents revers de Daech, ignorer sa menace est aussi injustifié que prématuré. Il n’y a qu’à se rappeler l’historique d’Al-Qaïda, qui prouve que quand bien même tomberait un État qui abrite un groupe terroriste, une idéologie radicale peut continuer à attiser la violence juste à côté et plus loin encore. Les dirigeants du groupe n’ont qu’à trouver d’autres méthodes pour continuer à attirer des recrues et à préparer des attaques à l’extérieur des frontières d’un État souverain allié à la cause.
À cette fin, en Irak, les groupes terroristes continueront à exploiter le schisme que le pays connaissait bien avant l’invasion des États-Unis en 2003. Plus généralement, il est probable qu’ils profitent de l’escalade des tensions entre les musulmans sunnites et chiites pour attirer les jeunes sunnites aliénés.
Cette dynamique de plus en plus périlleuse paraît en filigrane dans la décision de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, et des Émirats arabes unis de rompre les liens diplomatiques avec le Qatar, prétendument en raison de ses liens avec des groupes terroristes régionaux et l’Iran, le principal rival de l’Arabie saoudite dans la région. Elle est aussi visible dans la guerre par procuration dévastatrice au Yémen, qui est devenu le principal champ de bataille de la lutte pour le pouvoir entre les Saoudiens et les Iraniens.
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Dans un tel contexte, il est probable qu’à partir de ses bases disséminées dans la péninsule du Sinaï, en Égypte, en Irak, en Libye et au Yémen, Daech pourra toujours préparer et d’exécuter des attaques terroristes au Moyen-Orient et ailleurs. Mais il existe des méthodes pour éviter cela — ou, du moins, pour réduire les dégâts au minimum.
Pour commencer, les intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux du monde arabe doivent rompre tous les liens financiers avec les groupes terroristes. Outre les virements officiels, ceci signifie qu’il faut enrayer les initiatives privées des citoyens individuels de financement de la terreur. Les États de la région ont déjà des régimes juridiques sévères ; les États devraient appliquer les lois plus efficacement contre ceux qui financent la terreur.
Parallèlement, les dirigeants religieux et politiques doivent condamner fermement l’idéologie islamiste violente qui entretient les mouvements djihadistes, en les repoussant avec la même force qu’ils réservent à ceux qui défient leur propre autorité. Qui tacet consentire videtur (qui ne dit mot consent). Dans ce cas-ci, le consentement tacite encourage les acteurs terroristes, avec les résultats fatals que l’on connaît.
Les pays du Moyen-Orient sont maintenant associés aux idéologies extrémistes et à la terreur dans le monde entier. S’ils veulent un jour rétablir leurs réputations et la santé de leurs sociétés et de leurs économies, ils doivent agir fermement afin d’affaiblir l’allure des recruteurs de terroristes. L’Algérie, le Maroc et la Tunisie ont tous pris des mesures en ce sens, mais ils ne peuvent le faire en vase clos.
Les autres pays du Moyen-Orient ne doivent pas se laisser bercer d’illusions par la chute apparente de Daech en tant qu’entité territoriale. Au bout du compte, la seule façon de briser le cycle de terreur et de violence dans le monde arabe est de résoudre les conflits au sein même de l’Islam. Toutefois, pour en arriver là, les États de la région doivent mener d’urgence une stratégie en deux volets d’interdiction et de réprobation de lutte au terrorisme.
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Adekeye Adebajo
argues that Israel’s war in Gaza is accelerating the trend toward global apartheid, highlights the strengths and weaknesses of United Nations peacekeeping missions, criticizes the militarization of US engagement with Africa, and more.
The models are in place to achieve clean cooking for all, which would have enormous benefits for the climate, health, and gender equality. Now rich-country governments, the private sector, and international organizations must agree to provide the necessary funding at this week’s IEA Summit on Clean Cooking in Africa.
urge global leaders to provide the financing to end a practice with dire effects for health and the climate.
The dollar's strength, particularly against major Asian currencies, has triggered a wave of skittishness in financial markets. Can anything be done to stem the greenback's rise, and even if something can be done, should it?
asks whether anything can or should be done about the greenback's strength, especially against Asian currencies.
FEZ – En juillet, le premier ministre irakien Haider al-Abadi annonçait l’extirpation de Daech à Mosul, la deuxième ville du pays, dont s’était emparé le groupe terroriste il y a trois ans. Tôt ou tard, Daech perdra Raqqa, la capitale du califat autoproclamé – et la dernière ville vraiment sous son emprise. Mais ces défaites ne signifient pas que la chute de Daech est imminente, encore moins que le terrorisme islamiste approche de sa fin, ou que les graves conflits du Moyen-Orient se régleront de sitôt.
Il est certain que l’étiolement du rêve d’un califat islamique affaiblira la capacité de Daech et des groupes de même acabit à recruter parmi les jeunes gens marginalisés. Déjà, l’afflux de djihadistes étrangers de la Turquie à la Syrie venu rallier les rangs de Daech s’est tari, de 2 000 par mois à environ 50.
Néanmoins, ces groupes exercent encore une forte attirance. Mais surtout, ils savent comment donner une mission et un sens d’appartenance aux jeunes gens désabusés. Le fait que cette mission implique le meurtre, la terreur et le carnage rend le tout encore plus envoûtant auprès d’une jeunesse désespérée et frustrée.
Malgré les récents revers de Daech, ignorer sa menace est aussi injustifié que prématuré. Il n’y a qu’à se rappeler l’historique d’Al-Qaïda, qui prouve que quand bien même tomberait un État qui abrite un groupe terroriste, une idéologie radicale peut continuer à attiser la violence juste à côté et plus loin encore. Les dirigeants du groupe n’ont qu’à trouver d’autres méthodes pour continuer à attirer des recrues et à préparer des attaques à l’extérieur des frontières d’un État souverain allié à la cause.
À cette fin, en Irak, les groupes terroristes continueront à exploiter le schisme que le pays connaissait bien avant l’invasion des États-Unis en 2003. Plus généralement, il est probable qu’ils profitent de l’escalade des tensions entre les musulmans sunnites et chiites pour attirer les jeunes sunnites aliénés.
Cette dynamique de plus en plus périlleuse paraît en filigrane dans la décision de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, et des Émirats arabes unis de rompre les liens diplomatiques avec le Qatar, prétendument en raison de ses liens avec des groupes terroristes régionaux et l’Iran, le principal rival de l’Arabie saoudite dans la région. Elle est aussi visible dans la guerre par procuration dévastatrice au Yémen, qui est devenu le principal champ de bataille de la lutte pour le pouvoir entre les Saoudiens et les Iraniens.
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Dans un tel contexte, il est probable qu’à partir de ses bases disséminées dans la péninsule du Sinaï, en Égypte, en Irak, en Libye et au Yémen, Daech pourra toujours préparer et d’exécuter des attaques terroristes au Moyen-Orient et ailleurs. Mais il existe des méthodes pour éviter cela — ou, du moins, pour réduire les dégâts au minimum.
Pour commencer, les intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux du monde arabe doivent rompre tous les liens financiers avec les groupes terroristes. Outre les virements officiels, ceci signifie qu’il faut enrayer les initiatives privées des citoyens individuels de financement de la terreur. Les États de la région ont déjà des régimes juridiques sévères ; les États devraient appliquer les lois plus efficacement contre ceux qui financent la terreur.
Parallèlement, les dirigeants religieux et politiques doivent condamner fermement l’idéologie islamiste violente qui entretient les mouvements djihadistes, en les repoussant avec la même force qu’ils réservent à ceux qui défient leur propre autorité. Qui tacet consentire videtur (qui ne dit mot consent). Dans ce cas-ci, le consentement tacite encourage les acteurs terroristes, avec les résultats fatals que l’on connaît.
Les pays du Moyen-Orient sont maintenant associés aux idéologies extrémistes et à la terreur dans le monde entier. S’ils veulent un jour rétablir leurs réputations et la santé de leurs sociétés et de leurs économies, ils doivent agir fermement afin d’affaiblir l’allure des recruteurs de terroristes. L’Algérie, le Maroc et la Tunisie ont tous pris des mesures en ce sens, mais ils ne peuvent le faire en vase clos.
Les autres pays du Moyen-Orient ne doivent pas se laisser bercer d’illusions par la chute apparente de Daech en tant qu’entité territoriale. Au bout du compte, la seule façon de briser le cycle de terreur et de violence dans le monde arabe est de résoudre les conflits au sein même de l’Islam. Toutefois, pour en arriver là, les États de la région doivent mener d’urgence une stratégie en deux volets d’interdiction et de réprobation de lutte au terrorisme.
Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier