galbraith2_Mark WilsonGetty Images_dollar Mark Wilson/Getty Images

Réalisme monétaire moderne

AUSTIN – La théorie monétaire moderne, ou néo-chartalisme (Modern Monetary Theory – MMT – en anglais), s’avérera-t-elle d’un grand secours aux décideurs politiques ou bien, comme l’a récemment affirmé Kenneth Rogoff, de Harvard, constitue-t-elle une menace pour « l’ensemble du système financier mondial » et matérialise-t-elle la ligne de front de la « prochaine bataille pour l’indépendance de la banque centrale » ? Si menace il y a, elle semble venir, telle que la conçoit Rogoff, de la crainte qu’arrivent au pouvoir, à la faveur des élections de 2020 aux États-Unis, des partisans de la TMM. Mais il émet aussi quelques arguments techniques, qu’on retrouve chez de nombreux critiques du mouvement de la TMM.

Le premier d’entre eux, comme le dit Rogoff, stipule qu’il s’agit avant tout, pour la TMM d’« utiliser le bilan [de la Réserve fédérale des États-Unis] comme une poule aux œufs d’or afin de financer de nouveaux programmes sociaux » coûteux. Secundo, Rogoff, reprenant à son compte les termes mêmes du président de la Fed, Jerome Powell, rejette vivement avec d’autres critiques de la TMM, l’idée selon laquelle « les déficits n’ont pas d’importance pour des pays qui peuvent emprunter dans leur propre monnaie ».

En réalité, comme l’admet Rogoff, « la Fed est elle-même responsable de […] la confusion qui entoure l’utilisation de son bilan ». Et s’il accuse la politique d’« assouplissement quantitatif » – qui a conduit la banque centrale, après la crise financière, à racheter des titres de dette publique (et privée) pour des milliers de milliards de dollars –, c’est essentiellement parce qu’elle n’a pas, selon lui, véritablement fonctionné, et non parce qu’elle serait un facteur de déstabilisation ou d’inflation. À ses yeux, l’expérience ne constitue pas une menace pour le système monétaire mondial.

https://prosyn.org/tgvTel1fr