German Tornado Formation Flight 2003 Ronny Stiffel/flickr

Cruelles vérités autour de la puissance douce européenne

LONDRES – À l’occasion du sommet de l’Union européenne sur la défense commune organisé en décembre dernier, le général britannique Nick Houghton a formulé une mise en garde sur le risque de voir les forces armées du Royaume-Uni prendre le chemin de la « disparition. » Une trop faible part d’un budget britannique de la défense déjà restreint serait alloué aux effectifs, a-t-il relevé, et une part excessive consacrée, pour de mauvaises raisons, à des équipements « sophistiqués. » « Il nous faut pour autant veiller avec soin à ce que le budget de la défense ne soit pas utilisé de manière disproportionnée en soutien de l’industrie britannique de la défense, » a-t-il expliqué.

Les inquiétudes de Houghton revêtent tout autant de pertinence, si ce n’est plus, sous l’angle de la sécurité européenne. Lorsqu’il s’agit d’utiliser le budget national de la défense pour faire avancer les objectifs de l’Europe en matière d’industrie, d’emploi ou de politique régionale, le Royaume-Uni n’apparaît en aucun cas comme le plus avare. Bien que les dirigeants européens aient déclaré au mois de décembre dernier que la défense avait « son importance, » celle-ci semble à l’évidence se situer bien en-dessous de leurs préoccupations économiques.

Or, le fait d’affirmer poursuivre une politique tout en appliquant dans les faits une démarche toute autre se révèle contraire à la démocratie, ainsi qu’à l’efficacité économique. Mais plus important encore, le manque de sérieux dont l’Europe fait preuve en matière de défense semble présupposer l’inexistence de toute menace militaire, et suggérer que la nécessité de projeter puissance et influence à l’international s’avérerait en quelque sorte indifférente, obsolète, voire désastreuse à notre époque moderne.

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