Dark clouds over sea Stewart Baird/Flickr

Les frontières de notre planète et la prospérité humaine

STOCKHOLM – Le futur de l'humanité va dépendre de la réussite d'un numéro d'équilibriste. Ce défi va consister à subvenir aux besoins de plus de 10 milliards de personnes tout en préservant les systèmes planétaires dont dépend notre existence. Les dernières découvertes scientifiques nous désignent comme la génération qui est censée trouver cet équilibre. Voilà quelle lourde tâche nous incombe.

Mettre fin à la pauvreté est devenu un objectif réaliste pour la première fois dans l'histoire de l'humanité. Nous avons la capacité de faire en sorte que chaque personne sur la planète dispose de suffisamment de nourriture, d'eau, de logement, d'éducation, de services de santé et d'énergie nécessaires pour vivre sa vie dignement et pour la réussir. Mais nous ne serons en mesure d'y parvenir qu'à condition de protéger en même temps les systèmes terrestres fondamentaux : le climat, la couche d'ozone, les sols, la biodiversité, l'eau potable, les océans, les forêts et l'air. Et ces systèmes subissent une pression sans précédent.

Depuis les 10 000 dernières années, le climat de la Terre a été remarquablement stable. Les températures mondiales ont augmenté et diminué d'à peine plus d'un degré Celsius (par rapport à des sautes de plus de huit degrés Celsius au cours du dernier âge glaciaire) et la résilience des écosystèmes répondaient alors aux besoins de l'humanité. Cette période connue sous le nom de l'Holocène, a fourni la stabilité qui a permis à la civilisation humaine d'émerger et de prospérer. Il est le seul état de la planète capable, selon les connaissances actuelles, de fournir une vie prospère à dix milliards de personnes.

Mais les humains sont devenus à présent le plus important facteur de changement de l'écosystème terrestre, marquant ainsi le début d'une nouvelle ère géologique que certains appellent Anthropocène. Les scientifiques ne sont pas d'accord sur la date de début exacte de cette époque, mais elle peut être datée de quelque part autour de 1945, lorsque l'industrie moderne et l'agriculture ont commencé à augmenter fortement. Dans l'avenir, les géologues constateront des marqueurs révélateurs comme le carbone radioactif (les débris des explosions nucléaires) et les déchets de plastique éparpillés à la surface de la planète et incrustés dans la roche.

Plus récemment, l'activité humaine a subi ce que l'on appelle la Grande accélération : l'intensification rapide de la consommation des ressources et la dégradation écologique. Nous risquons de perturber les systèmes terrestres fondamentaux et avec eux la civilisation moderne elle-même.

La réponse de la planète à nos pressions risque d'être imprévisible. En effet, les surprises ont déjà commencé. Comme nous demandons trop de ressources à notre planète, elle commence à imposer des sanctions sur l'économie mondiale, sous la forme d'événements météorologiques extrêmes, comme la fonte accélérée des calottes glaciaires, une perte rapide de biodiversité et la vaste décoloration des récifs coralliens.

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Nous sommes confrontés au besoin urgent de définir une zone de sécurité, afin d'éviter de faire sortir notre planète de son stade holocène inhabituellement bienveillant. Le cadre théorique sur les limites planétaires, un groupe de scientifiques dont l'un d'entre nous (Johan) a fait une première publication en 2009, sert à cela. Il s'appuie sur les meilleures données scientifiques pour identifier les processus planétaires clés qui régissent la capacité de la Terre à entretenir des conditions de vie de type holocène. Pour chacun de ces processus, il propose une frontière (un plafond quantitatif), au-delà duquel nous risquons de provoquer des changements brusques susceptibles de pousser notre planète dans un état encore plus hostile pour l'humanité.

Ces neuf limites comprennent le changement climatique, l'appauvrissement en ozone, l'acidification des océans, l'interférence dans les cycles mondiaux d'azote et de phosphore, le changement d'affectation des terres, la consommation mondiale d'eau potable, l'intégrité de la biosphère, la pollution de l'air et de nouvelles entités (comme les polluants organiques, les matières radioactives, les nanomatériaux et les micro-plastiques). Fait encore plus inquiétant, notre plus récente mise à jour de janvier (qui confirme ces neuf limites et améliore encore leur quantification), indique que l'humanité en a déjà transgressé quatre : le changement climatique, l'utilisation de l'azote et du phosphore, la perte de biodiversité et le changement d'affectation des terres.

Notre défi consiste à ramener les systèmes terrestres dans la zone de sécurité, tout en nous assurant en même temps que chaque personne dispose des ressources nécessaires pour vivre une vie heureuse et épanouissante. Entre ces limites planétaires et sociales se situent les limites de la marge de manœuvre juste et sûre de l'humanité : les limites que nous devons respecter si nous voulons créer un monde écologiquement résilient et sans pauvreté.

Le respect de ces objectifs va exiger une répartition beaucoup plus équitable des ressources de la planète et une bien plus grande efficacité dans notre manière de les utiliser. Si nous voulons nous assurer que notre planète reste celle sur laquelle toute l'humanité peut prospérer, nous devons poursuivre un nouveau paradigme de prospérité.

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