BERLIN/WASHINGTON, DC – Parmi les résultats les plus concrets de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) de novembre dernier figure le Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) de l’Afrique du Sud. En vertu de cet accord, l’Afrique du Sud percevra 8,5 milliards $ en subventions et prêts de la part des États-Unis, de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et de l’Union européenne, afin que soit soutenue sa transition à partir des centrales électriques à charbon en direction de sources d’énergie plus propres.
Bien que les modalités de mise en œuvre du JETP demeurent peu détaillées, l’accord promet d’ores et déjà de constituer un point de repère dans la manière dont les pays riches, plus grands émetteurs historiques de gaz à effet de serre au monde, peuvent soutenir l’agenda climatique des pays les moins émetteurs, dont la plupart se situent en Afrique et sont les plus vulnérables face à l’urgence climatique. Il convient ainsi de prêter une attention étroite au JETP, à l’approche du sommet des dirigeants du G7 du mois de juin, en Allemagne.
À deux principaux égards, le JETP peut faire office de feuille de route pour la négociation d’autres partenariats de finance climatique mutuellement bénéfiques en Afrique. Premièrement, l’Afrique du Sud a élaboré cet accord en phase avec ses propres besoins et priorités – notamment en ce qui concerne l’économie politique d’une transition écologique vouée à impacter plus de 90 000 mineurs de charbon, ainsi que les communautés et syndicats influents du secteur minier. Les acteurs et dirigeants politiques sud-africains ont ainsi pris soin de négocier un paquet qui réponde à ces réalités, axé sur une « transition juste » qui soit équitable et inclusive. La propriété locale est ici essentielle.
Deuxièmement, le JETP applique une approche économique globale, en connectant les secteurs que l’Afrique du Sud entend développer dans le futur à ceux que le pays a déjà bâti ou est en train de construire. Dans le cadre de l’accord, l’Afrique du Sud vise par exemple à développer un secteur des véhicules électriques qui s’appuie sur son secteur automobile dynamique. Le pays souhaite également produire de l’hydrogène vert, domaine dans lequel l’Afrique du Sud dispose d’ores et déjà d’un plan et d’une étude de faisabilité. Cette connexion du JETP aux ambitions et projets existants renforce considérablement les chances de réussite de l’accord.
D’autres pays africains peuvent adapter cet accord pour élaborer leurs propres objectifs concrets lors de négociations avec les pays riches autour de l’action climatique. Les gouvernements et leurs partenaires doivent néanmoins tenir compte de plusieurs facteurs.
Il est nécessaire que les accords de finance climatique en Afrique s’axent sur une problématique ou un domaine en particulier. Le JETP se concentre sur une transition énergétique juste, avec un accent particulier sur la compagnie énergétique Eskom, le développement technologique et les problématiques socioéconomiques. Certains pays africains pourraient quant à eux décider de privilégier la résilience agricole et la sécurité alimentaire. Ceux qui disposent d’une capacité de production électrique excédentaire, par exemple le Ghana, pourraient se concentrer sur la construction d’infrastructures régionales de transmission et de distribution afin d’exporter cet excédent vers les pays voisins.
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Il est également important que les accords autour d’une transition juste reposent sur les ressources propres aux différents États africains, de la même manière que le JETP capitalise en partie sur la présence d’hydrogène en Afrique du Sud. Les pays possédant ou en capacité d’accéder à du gaz naturel intègrent cette donnée dans leurs plans de transition en matière de production d’électricité, d’industrialisation, et d’amélioration des foyers de cuisson – de la même manière que l’Europe et l’Amérique du Nord le considèrent comme un élément essentiel de leur propre transition énergétique.
Les gouvernements africains doivent être corédacteurs des dispositions de tels accords de finance climatique – et lier ces accords aux priorités et initiatives existantes. Les contributions déterminées au niveau national en vertu de l’accord climatique de Paris 2015, ainsi que le plan d’action climatique sur dix ans récemment annoncé par l’Union africaine, doivent contribuer à façonner tout accord international de finance climatique réalisable.
Que l’accent soit placé sur l’agriculture adaptée au climat dans le cas du Kenya, ou sur la fabrication de batteries dans une République démocratique du Congo riche en minerais, la démarche doit appuyer d’autres priorités nationales telles que l’industrialisation et la création d’emplois. Un accord de juste transition avec le G7 pourrait également soutenir les initiatives régionales existantes, telles que le projet d’énergie solaire Desert to Power de la Banque africaine de développement au Sahel.
Il est également essentiel que les accords de finance climatique en Afrique tiennent compte de l’ampleur considérable du défi auquel est confronté le continent, lui aura besoin de 30 à 50 milliards $ chaque année jusqu’en 2030 pour son adaptation au climat. Les accords de partenariat doivent être complets, c’est-à-dire soutenir dans les économies africaines des transformations structurelles qui renforcent la résilience, la durabilité et la prospérité, tout en remédiant aux dégâts climatiques d’ores et déjà causés par le réchauffement planétaire.
La structure des paquets de financement revêt également une importance. Pour éviter d’aggraver les pressions budgétaires sur des gouvernements africains déjà très éprouvés par les chocs économiques du COVID-19, tout accord de finance climatique doit prévoir des subventions, et s’accompagner si nécessaire de prêts concessionnels. Cette structure contribuera à rééquilibrer l’actuelle composition de la finance climatique internationale.
Enfin, tout accord de finance climatique réalisable doit énoncer clairement ses objectifs, la durée nécessaire pour y parvenir, les étapes intermédiaires pertinentes à atteindre, ainsi que les fonds à engager dans le temps imparti. Le JETP considère les 8,5 milliards $ comme un montant initial à répartir sur cinq ans, avec la possibilité de débloquer davantage de fonds à l’avenir. D’autres pays africains peuvent adapter ce modèle, et veiller à ce que leurs objectifs incluent des étapes intermédiaires claires à atteindre sur la durée convenue.
Le JETP énonce plusieurs domaines concrets dans lesquels un soutien est nécessaire durant la transition énergétique de l’Afrique du Sud. Plus important encore, l’accord répond à plusieurs interrogations essentielles quant à la manière dont les pays africains peuvent exploiter au mieux la finance climatique internationale. Ce faisant, il fournit un cadre propice à la négociation d’un soutien pour les pays africains et les autres pays en voie de développement, au travers de forums flexibles tels que le G7.
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BERLIN/WASHINGTON, DC – Parmi les résultats les plus concrets de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) de novembre dernier figure le Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) de l’Afrique du Sud. En vertu de cet accord, l’Afrique du Sud percevra 8,5 milliards $ en subventions et prêts de la part des États-Unis, de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et de l’Union européenne, afin que soit soutenue sa transition à partir des centrales électriques à charbon en direction de sources d’énergie plus propres.
Bien que les modalités de mise en œuvre du JETP demeurent peu détaillées, l’accord promet d’ores et déjà de constituer un point de repère dans la manière dont les pays riches, plus grands émetteurs historiques de gaz à effet de serre au monde, peuvent soutenir l’agenda climatique des pays les moins émetteurs, dont la plupart se situent en Afrique et sont les plus vulnérables face à l’urgence climatique. Il convient ainsi de prêter une attention étroite au JETP, à l’approche du sommet des dirigeants du G7 du mois de juin, en Allemagne.
À deux principaux égards, le JETP peut faire office de feuille de route pour la négociation d’autres partenariats de finance climatique mutuellement bénéfiques en Afrique. Premièrement, l’Afrique du Sud a élaboré cet accord en phase avec ses propres besoins et priorités – notamment en ce qui concerne l’économie politique d’une transition écologique vouée à impacter plus de 90 000 mineurs de charbon, ainsi que les communautés et syndicats influents du secteur minier. Les acteurs et dirigeants politiques sud-africains ont ainsi pris soin de négocier un paquet qui réponde à ces réalités, axé sur une « transition juste » qui soit équitable et inclusive. La propriété locale est ici essentielle.
Deuxièmement, le JETP applique une approche économique globale, en connectant les secteurs que l’Afrique du Sud entend développer dans le futur à ceux que le pays a déjà bâti ou est en train de construire. Dans le cadre de l’accord, l’Afrique du Sud vise par exemple à développer un secteur des véhicules électriques qui s’appuie sur son secteur automobile dynamique. Le pays souhaite également produire de l’hydrogène vert, domaine dans lequel l’Afrique du Sud dispose d’ores et déjà d’un plan et d’une étude de faisabilité. Cette connexion du JETP aux ambitions et projets existants renforce considérablement les chances de réussite de l’accord.
D’autres pays africains peuvent adapter cet accord pour élaborer leurs propres objectifs concrets lors de négociations avec les pays riches autour de l’action climatique. Les gouvernements et leurs partenaires doivent néanmoins tenir compte de plusieurs facteurs.
Il est nécessaire que les accords de finance climatique en Afrique s’axent sur une problématique ou un domaine en particulier. Le JETP se concentre sur une transition énergétique juste, avec un accent particulier sur la compagnie énergétique Eskom, le développement technologique et les problématiques socioéconomiques. Certains pays africains pourraient quant à eux décider de privilégier la résilience agricole et la sécurité alimentaire. Ceux qui disposent d’une capacité de production électrique excédentaire, par exemple le Ghana, pourraient se concentrer sur la construction d’infrastructures régionales de transmission et de distribution afin d’exporter cet excédent vers les pays voisins.
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Les gouvernements africains doivent être corédacteurs des dispositions de tels accords de finance climatique – et lier ces accords aux priorités et initiatives existantes. Les contributions déterminées au niveau national en vertu de l’accord climatique de Paris 2015, ainsi que le plan d’action climatique sur dix ans récemment annoncé par l’Union africaine, doivent contribuer à façonner tout accord international de finance climatique réalisable.
Que l’accent soit placé sur l’agriculture adaptée au climat dans le cas du Kenya, ou sur la fabrication de batteries dans une République démocratique du Congo riche en minerais, la démarche doit appuyer d’autres priorités nationales telles que l’industrialisation et la création d’emplois. Un accord de juste transition avec le G7 pourrait également soutenir les initiatives régionales existantes, telles que le projet d’énergie solaire Desert to Power de la Banque africaine de développement au Sahel.
Il est également essentiel que les accords de finance climatique en Afrique tiennent compte de l’ampleur considérable du défi auquel est confronté le continent, lui aura besoin de 30 à 50 milliards $ chaque année jusqu’en 2030 pour son adaptation au climat. Les accords de partenariat doivent être complets, c’est-à-dire soutenir dans les économies africaines des transformations structurelles qui renforcent la résilience, la durabilité et la prospérité, tout en remédiant aux dégâts climatiques d’ores et déjà causés par le réchauffement planétaire.
La structure des paquets de financement revêt également une importance. Pour éviter d’aggraver les pressions budgétaires sur des gouvernements africains déjà très éprouvés par les chocs économiques du COVID-19, tout accord de finance climatique doit prévoir des subventions, et s’accompagner si nécessaire de prêts concessionnels. Cette structure contribuera à rééquilibrer l’actuelle composition de la finance climatique internationale.
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Le JETP énonce plusieurs domaines concrets dans lesquels un soutien est nécessaire durant la transition énergétique de l’Afrique du Sud. Plus important encore, l’accord répond à plusieurs interrogations essentielles quant à la manière dont les pays africains peuvent exploiter au mieux la finance climatique internationale. Ce faisant, il fournit un cadre propice à la négociation d’un soutien pour les pays africains et les autres pays en voie de développement, au travers de forums flexibles tels que le G7.
Traduit de l’anglais par Martin Morel