KABOUL – Attentats-suicide, assassinats de responsables afghans de haut rang, attentats extrêmement violents à Charikar et dans d'autres lieux proches de Kaboul et rapide augmentation du nombre de victimes civiles dues à des attaques de drones menacent le retrait des Américains et de l'OTAN. La violence est devenue tellement prégnante, qu'Ahmed Rachid, l'expert renommé en ce qui concerne les talibans, estime que la seule solution est d'accélérer le processus de paix en dialoguant avec les insurgés.
Toute négociation devrait accorder une importance cruciale à l'économie d'un Afghanistan en paix. Mais que suppose une économie de paix et pourquoi est-ce une question aussi importante ?
L'un des objectifs principaux devrait être de transformer le vaste secteur de l'économie souterraine qui a prospéré malgré l'importance des forces de l'OTAN en ouvrant des possibilités d'insertion aux talibans et aux autres groupes participant aux combats. Leur intégration dans une économie productive exige un changement de politique, notamment par la réactivation rapide des plans de développement ruraux et le soutien à la création et au développement d'entreprises locales, aux travaux publics et aux autres activités légales.
Les USA en particulier, de même que les autres donateurs et les pays de l'OTAN impliqués dans le pays, doivent prendre en compte les "Dix commandements" que voici pendant et après les négociations :
1) Appliquer la devise de Laurence d'Arabie selon laquelle il vaut mieux "les" laisser faire, plutôt que d'essayer de "faire mieux" à leur place. Autrement dit, il faut laisser les négociateurs afghans, les communautés et les dirigeants locaux déterminer leurs besoins économiques et leurs priorités, et laisser les insurgés choisir le lieu opportun de leur insertion. Si ce ne sont pas les participants eux-mêmes qui décident, les programmes échoueront à long terme, les ressources seront gaspillées et la paix ne durera pas.
2) Veiller à l'intégration (plutôt qu'à la simple coordination) des facteurs économiques au sein du projet politique et sécuritaire pour favoriser la paix et la sécurité à long terme. Cela suppose d'utiliser les programmes d'insertion des combattants et les programmes économiques comme une carotte pour pousser aux négociations.
At a time of escalating global turmoil, there is an urgent need for incisive, informed analysis of the issues and questions driving the news – just what PS has always provided.
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3) Soutenir un accord de paix adapté aux capacités financières et techniques du pays. Cela suppose de prévoir les revenus fiscaux à venir et l'aide à apporter, de même que le complément d'expertise étrangère nécessaire au processus. Il faut éviter de faire des prévisions trop optimistes qui conduisent à des plans inapplicables et à des attentes déraisonnables auxquels le gouvernement ne pourra pas répondre, ainsi qu'on l'a vu au Guatémala par exemple, à la fin de la guerre civile.
4) Apporter l'aide par l'intermédiaire du budget du gouvernement central ou celui des autorités locales, de manières à ce que les dirigeants assoient leur légitimité en fournissant les services et les infrastructures et distribuent les subventions et développent les programmes de soutien aux produits agricoles destinés à remplacer la culture de l'opium (le coton par exemple qui était produit dans le passé).
5) Veiller à ce que l'aide passe aussi rapidement que possible d'un objectif humanitaire (sauver des vies et donner à manger à ceux qui abandonnent les armes) à un objectif de reconstruction, de manière à générer des investissements, à accroître la productivité et l'emploi à long terme qui permettra à la population de mener une vie digne. Il faut surtout éviter de rester embourbé dans la première étape, ainsi qu'on l'a vu à Haïti après le tremblement de terre.
6) Développer des programmes bien conçus et synchronisés visant à la démobilisation, au désarmement et à l'intégration des insurgés. C'est une condition sine qua non pour une transition irréversible vers la paix. Les accords ne doivent être ni trop vagues, ni trop détaillés. Au Salvador, trop de flou sur certains points et trop de détails sur d'autres a obligé à renégocier les accords d'échange d'armes contre la terre, de manière à les rendre applicables.
7) Concevoir des programmes spécifiques pour les commandants de rang élevé en leur fournissant davantage de moyens, de formation, de crédit et d'assistance technique. Au Salvador, l'ONU a constaté que le Plan 600 destiné aux gradés a donné de meilleurs résultats que ceux moins élaborés destinés aux combattants de rangs inférieurs.
8) Accroître l'aide aux ONG ayant l'expérience de la création d'entreprises dans le domaine du développement rural, du tissage de tapis, de la conception de bijoux ou de toute autre activité voulue par les Afghans. Il est impératif d'avoir une politique volontaire pour susciter la création de start-up et l'expansion des entreprises locales existantes par l'intermédiaire du crédit, de la formation et de l'assistance technique.
9) Etablir des zones de reconstruction économique pour relancer une activité pérenne, créer des emplois, exporter, améliorer l'efficacité de l'aide et son contrôle et éviter d'en rendre le pays dépendant. Ces zones pourraient combiner le développement rural intégré destiné à la consommation intérieure, l'agroalimentaire destiné à l'exportation et des activités de production nécessitant une main d'ouvre abondante. Il faudrait que les USA et les autres pays ouvrent leur marché aux produits en provenance de ces zones.
10) Donner la priorité aux objectifs politiques et à la paix à long terme, même si cela doit retarder la stabilité économique et le développement. Cela passe souvent par la reconnaissance de l'impossibilité qu'il y a à appliquer la meilleure politique économique et les meilleures pratiques et le fait que ce n'est peut-être même pas souhaitable. L'indépendance de la banque centrale et le refus d'un découvert budgétaire pourraient freiner le développement d'activités cruciales favorisant la paix.
Pour mettre un point final à la guerre en Afghanistan, le gouvernement et les pays donateurs doivent éviter de tomber dans le travers des promesses non tenues qui a fait obstacle à la reconstruction du pays dans le passé. C'est alors seulement que l'Afghanistan pourra échapper à la violence, à l'insécurité, à la corruption, au chômage, au trafic de drogue et à la dépendance vis à vis de l'aide internationale – un cercle vicieux dont le pays est prisonnier depuis des décennies.
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Less than two months into his second presidency, Donald Trump has imposed sweeping tariffs on America’s three largest trading partners, with much more to come. This strategy not only lacks any credible theoretical foundations; it is putting the US on a path toward irrevocable economic and geopolitical decline.
Today's profound global uncertainty is not some accident of history or consequence of values-free technologies. Rather, it reflects the will of rival great powers that continue to ignore the seminal economic and social changes underway in other parts of the world.
explains how Malaysia and other middle powers are navigating increasingly uncertain geopolitical terrain.
KABOUL – Attentats-suicide, assassinats de responsables afghans de haut rang, attentats extrêmement violents à Charikar et dans d'autres lieux proches de Kaboul et rapide augmentation du nombre de victimes civiles dues à des attaques de drones menacent le retrait des Américains et de l'OTAN. La violence est devenue tellement prégnante, qu'Ahmed Rachid, l'expert renommé en ce qui concerne les talibans, estime que la seule solution est d'accélérer le processus de paix en dialoguant avec les insurgés.
Toute négociation devrait accorder une importance cruciale à l'économie d'un Afghanistan en paix. Mais que suppose une économie de paix et pourquoi est-ce une question aussi importante ?
L'un des objectifs principaux devrait être de transformer le vaste secteur de l'économie souterraine qui a prospéré malgré l'importance des forces de l'OTAN en ouvrant des possibilités d'insertion aux talibans et aux autres groupes participant aux combats. Leur intégration dans une économie productive exige un changement de politique, notamment par la réactivation rapide des plans de développement ruraux et le soutien à la création et au développement d'entreprises locales, aux travaux publics et aux autres activités légales.
Les USA en particulier, de même que les autres donateurs et les pays de l'OTAN impliqués dans le pays, doivent prendre en compte les "Dix commandements" que voici pendant et après les négociations :
1) Appliquer la devise de Laurence d'Arabie selon laquelle il vaut mieux "les" laisser faire, plutôt que d'essayer de "faire mieux" à leur place. Autrement dit, il faut laisser les négociateurs afghans, les communautés et les dirigeants locaux déterminer leurs besoins économiques et leurs priorités, et laisser les insurgés choisir le lieu opportun de leur insertion. Si ce ne sont pas les participants eux-mêmes qui décident, les programmes échoueront à long terme, les ressources seront gaspillées et la paix ne durera pas.
2) Veiller à l'intégration (plutôt qu'à la simple coordination) des facteurs économiques au sein du projet politique et sécuritaire pour favoriser la paix et la sécurité à long terme. Cela suppose d'utiliser les programmes d'insertion des combattants et les programmes économiques comme une carotte pour pousser aux négociations.
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3) Soutenir un accord de paix adapté aux capacités financières et techniques du pays. Cela suppose de prévoir les revenus fiscaux à venir et l'aide à apporter, de même que le complément d'expertise étrangère nécessaire au processus. Il faut éviter de faire des prévisions trop optimistes qui conduisent à des plans inapplicables et à des attentes déraisonnables auxquels le gouvernement ne pourra pas répondre, ainsi qu'on l'a vu au Guatémala par exemple, à la fin de la guerre civile.
4) Apporter l'aide par l'intermédiaire du budget du gouvernement central ou celui des autorités locales, de manières à ce que les dirigeants assoient leur légitimité en fournissant les services et les infrastructures et distribuent les subventions et développent les programmes de soutien aux produits agricoles destinés à remplacer la culture de l'opium (le coton par exemple qui était produit dans le passé).
5) Veiller à ce que l'aide passe aussi rapidement que possible d'un objectif humanitaire (sauver des vies et donner à manger à ceux qui abandonnent les armes) à un objectif de reconstruction, de manière à générer des investissements, à accroître la productivité et l'emploi à long terme qui permettra à la population de mener une vie digne. Il faut surtout éviter de rester embourbé dans la première étape, ainsi qu'on l'a vu à Haïti après le tremblement de terre.
6) Développer des programmes bien conçus et synchronisés visant à la démobilisation, au désarmement et à l'intégration des insurgés. C'est une condition sine qua non pour une transition irréversible vers la paix. Les accords ne doivent être ni trop vagues, ni trop détaillés. Au Salvador, trop de flou sur certains points et trop de détails sur d'autres a obligé à renégocier les accords d'échange d'armes contre la terre, de manière à les rendre applicables.
7) Concevoir des programmes spécifiques pour les commandants de rang élevé en leur fournissant davantage de moyens, de formation, de crédit et d'assistance technique. Au Salvador, l'ONU a constaté que le Plan 600 destiné aux gradés a donné de meilleurs résultats que ceux moins élaborés destinés aux combattants de rangs inférieurs.
8) Accroître l'aide aux ONG ayant l'expérience de la création d'entreprises dans le domaine du développement rural, du tissage de tapis, de la conception de bijoux ou de toute autre activité voulue par les Afghans. Il est impératif d'avoir une politique volontaire pour susciter la création de start-up et l'expansion des entreprises locales existantes par l'intermédiaire du crédit, de la formation et de l'assistance technique.
9) Etablir des zones de reconstruction économique pour relancer une activité pérenne, créer des emplois, exporter, améliorer l'efficacité de l'aide et son contrôle et éviter d'en rendre le pays dépendant. Ces zones pourraient combiner le développement rural intégré destiné à la consommation intérieure, l'agroalimentaire destiné à l'exportation et des activités de production nécessitant une main d'ouvre abondante. Il faudrait que les USA et les autres pays ouvrent leur marché aux produits en provenance de ces zones.
10) Donner la priorité aux objectifs politiques et à la paix à long terme, même si cela doit retarder la stabilité économique et le développement. Cela passe souvent par la reconnaissance de l'impossibilité qu'il y a à appliquer la meilleure politique économique et les meilleures pratiques et le fait que ce n'est peut-être même pas souhaitable. L'indépendance de la banque centrale et le refus d'un découvert budgétaire pourraient freiner le développement d'activités cruciales favorisant la paix.
Pour mettre un point final à la guerre en Afghanistan, le gouvernement et les pays donateurs doivent éviter de tomber dans le travers des promesses non tenues qui a fait obstacle à la reconstruction du pays dans le passé. C'est alors seulement que l'Afghanistan pourra échapper à la violence, à l'insécurité, à la corruption, au chômage, au trafic de drogue et à la dépendance vis à vis de l'aide internationale – un cercle vicieux dont le pays est prisonnier depuis des décennies.