2015 Indonesia Forest Fire in the peatlands Ulet Ifansasti/Stringer

Mère Nature et le changement climatique

MARRAKECH – Les zones humides, les forêts et les océans absorbent et séquestrent le carbone, ce qui en fait des atouts vitaux pour les pays ayant adhéré aux objectifs de réduction des émissions de CO2 de l’Accord de Paris sur le climat. Comment donc optimiser ces atouts ?

L’Accord de Paris a été approuvé par 196 gouvernements en décembre 2015 et est entré en vigueur plus tôt ce mois-ci. Les pays signataires sont à présent réunis à Marrakech, Maroc, pour la conférence annuelle (COP22) des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Plusieurs événements de la conférence mettent spécifiquement l’accent sur la manière dont les pays peuvent tirer parti de leurs écosystèmes naturels pour atteindre leurs objectifs de réduction de CO2.

Si les enjeux présentés par le changement climatique sont immenses, les occasions d’accélérer un développement durable et de garantir un avenir meilleur pour tous les habitants de la planète le sont tout autant. Aux termes de l’Accord de Paris, les gouvernements se sont engagés à réduire massivement leurs émissions de carbone, de façon à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C. La grande majorité des pays signataires ont déjà présenté des plans d’action nationaux destinés à concrétiser cet objectif, des plans qui deviendront plus ambitieux au fil du temps.

Les contributions décidées au niveau national comprennent des objectifs en matière d’énergie renouvelable et des propositions en faveur de moyens de transport durables, de l’efficacité énergétique et de l’éducation sur le changement climatique. Les pays parties sont également tenus d’adopter des politiques en vue d’une meilleure gestion de leur capital naturel. L’Accord de Paris reconnaît le rôle important que jouent les écosystèmes pour limiter la proportion de carbone dans l’atmosphère, des outils puissants que les États ne doivent pas négliger.

Les gouvernements doivent d’une part agir pour préserver les écosystèmes existants et de l’autre, restaurer et élargir les écosystèmes dégradés, dans le respect des communautés locales. Cette exigence vaut en particulier pour les zones humides – dont les lacs, les plaines inondables, les tourbières, les mangroves et les récifs coralliens – couvertes d’eau, de manière saisonnière ou permanente.

Les tourbières revêtent une importance particulière. Si elles ne représentent que 3 pour cent des terres émergées, elles stockent deux fois plus de carbone que toutes les forêts de la planète. Les sols des tourbières sont notamment composés de carbone – sous la forme de matières organiques décomposées – qui s’est accumulé au cours de milliers d’années. Lorsque les tourbières sont brûlées ou drainées, ce carbone est relâché dans l’atmosphère. En fait, l’asséchement des tourbières relâche deux fois plus de carbone dans l’atmosphère que ne le fait l’industrie aéronautique mondiale.

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En 2015, les incendies qui ont ravagé les tourbières boisées de l’Indonésie ont suscité des inquiétudes au niveau mondial concernant la quantité de carbone rejetée dans l’atmosphère, sans compter les répercussions sanitaires à long terme. Le gouvernement indonésien estime que la déforestation et la combustion des tourbières représentant à elles-seules plus de 60 pour cent des émissions totales des gaz à effet de serre du pays.

Préserver et restaurer les tourbières pourrait considérablement réduire les émissions mondiales de CO2, raison pour laquelle le Conseil nordique des ministres a annoncé en 2015 un plan de préservation des tourbières de la région. Près de la moitié des tourbières des pays nordiques a disparu et la dégradation de ces écosystèmes particuliers représente 25 pour cent de leurs émissions totales de carbone.

L’Accord de Paris est entré en vigueur en l’espace d’un an seulement, démontrant qu’il existe une volonté mondiale d’agir concrètement pour s’attaquer aux causes du changement climatique, et à ses conséquences, dont des inondations catastrophiques, des pénuries en eau et des sécheresses qui affectent déjà de nombreux pays.

Ce sentiment d’urgence n’a rien de surprenant. Selon ONU-Eau, 90 pour cent de tous les risques naturels sont liés à l’eau et leur fréquence et leur intensité devraient augmenter à mesure que s’aggrave le changement climatique. Les écosystèmes sont toutefois susceptibles de les atténuer : les zones humides agissent comme des éponges qui réduisent les inondations et retardent l’apparition des sécheresses, tandis que les mangroves, les marais salants et les récifs de corail protègent les littoraux des ondes de tempête. De plus, les zones humides et les forêts font bien plus qu’absorber et séquestrer le carbone ; elles sont des réservoirs d’eau douce et près de trois milliards de personnes en dépendent pour les moyens d’existence.

Les pays ont une plateforme toute prête qu’ils peuvent utiliser pour leurs efforts futurs de conservation des zones humides : la Convention de Ramsar sur les zones humides, un traité intergouvernemental avec 169 parties contractantes qui se sont engagées à conserver et gérer durablement leurs zones humides, est un véhicule idéal pour les aider à réaliser leurs objectifs de réduction de CO2 et atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030.

L’objectif à long terme de l’Accord de Paris est de parvenir à la neutralité climatique – soit zéro émission nette de gaz à effet de serre – dans la seconde moitié de ce siècle. La neutralité climatique est nécessaire pour contenir l’élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C et nous devons pour ce faire réduire les émissions au point qu’elles soient pleinement et aisément absorbées par la nature, le cycle naturel pendant des millions d’années avant l’avènement du changement climatique anthropique.

Il est possible de parvenir à la neutralité climatique au moyen d’une volonté politique, de mesures politiques imaginatives, de nouvelles technologies vertes, de sources d’énergie propres et d’une réorientation des investissements, à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars, vers des secteurs économiques et des infrastructures durables. Le succès de ces mesures nécessite en sus un investissement rentable dans les efforts de conservation et d’expansion du capital naturel. Seuls les écosystèmes naturels comme les zones humides et les forêts peuvent réellement garantir ce succès et un avenir propre et prospère.

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