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Comment sauver la COP28

ÉDIMBOURG – Nous ne sommes plus qu’à quelques jours de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28) de Dubaï. Il devient toutefois de plus en plus évident que seule une initiative audacieuse de financement de la part des Émirats arabes unis pourrait permettre de conférer soutien et fonds essentiels aux pays du Sud.

Pourtant précédés par un été de sécheresses, d’inondations et d’incendies de forêt dévastateurs, qui soulignent la nécessité d’une action urgente, les pourparlers préalables au sommet concernant le fonds pertes et dommages, censé permettre aux pays les plus pauvres de la planète d’atténuer les effets du changement climatique, ont peu progressé. Il a été décidé que le fonds serait installé à la Banque mondiale pour quatre ans, mais aucun accord n’a été conclu concernant les obligations des émetteurs historiques, et aucun flux substantiel de liquidités n’a eu lieu jusqu’à présent.

En tant que président de la COP28, le sultan Al Jaber des Émirats arabes unis a pour tâche cruciale de rompre avec l’impasse actuelle, ainsi que de concrétiser sa promesse d’élaboration d’un plan de financement permettant de combler le déficit annuel de 1 000 milliards $ dans le budget des initiatives d’atténuation et d’adaptation.

Les ÉAU détiennent la clé pour combler ce fossé financier climatique. Convaincre les États pétroliers les plus riches au monde de payer une taxe volontaire de 3 % sur leurs revenus exceptionnels de 2022 issus des exportations de pétrole et de gaz permettrait de lever 25 milliards $. Cette taxe pourrait fournir le capital initial nécessaire pour inciter les économies développées, responsables de la plupart des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), à émettre des garanties permettant aux banques multilatérales de développement (BMD) de stimuler les investissements.

Al Jaber a évidemment conscience de la nécessité urgente d’une action décisive. Au mois de juin, dans une communication privée adressée à certains gouvernements, il soulignait l’importance d’adopter une stratégie coordonnée utilisant des garanties d’État pour mobiliser des capitaux privés, reflétant la vision des ÉAU en faveur de nouveaux mécanismes financiers innovants permettant de tirer parti de la finance privée. Il souhaite également recourir à des mécanismes de garantie étatique à grande échelle pour mobiliser d’importants investissements privés, et présente cette démarche comme un moyen d’unir toutes les parties prenantes pour promouvoir l’action climatique.

Mais Al Jaber n’est pas seulement le président de la COP28 ; il est également le PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company. Il se situe ainsi en position idéale pour montrer l’exemple, et orienter son propre pays vers une juste contribution. Une taxe de 25 milliards $, représentant moins de 10 % des revenus annuels de l’industrie pétrolière et gazière en 2022, devrait être considérée comme la contribution minimale attendue des principaux pays exportateurs de pétrole.

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Cette nécessité est soulignée par le contraste frappant entre les revenus record des pays producteurs de pétrole et la situation de millions d’habitants des pays du Sud plongés dans la pauvreté en raison de l’explosion des coûts de l’électricité. En 2022, les revenus d’exportation des seuls pays de l’OPEP se sont élevés à 888 milliards $, soit une augmentation de 266 milliards $ par rapport à l’année précédente. Les six plus riches pays exportateurs de pétrole ont à eux seuls généré environ 800 milliards $. Les revenus d’exportation de pétrole des ÉAU ont bondi de 76 milliards $ en 2021, atteignant 119 milliards $.

L’augmentation des prix de l’énergie a été particulièrement lucrative pour les États pétroliers du Moyen-Orient. Les revenus d’exportation d’énergie du Qatar sont passés de 87 milliards $ à 132 milliards $ en 2022, et ceux du Koweït 63 milliards $ à 98 milliards $, représentant pour chacun de ces deux pays une taxe de 2 milliards $. La Norvège, dont les revenus d’exportation ont quasiment triplé en passant de 48 milliards $ à 140 milliards $, pourrait aisément se permettre de payer une taxe de 5 milliards $.

Mais c’est d’Arabie saoudite que devrait provenir la plus importante contribution, les revenus d’exportation de pétrole du pays ayant explosé jusqu’à atteindre 311 milliards $ en 2022, soit une augmentation stupéfiante de 120 milliards $ par rapport à l’année précédente. Une contribution de 9 milliards $ serait inférieure à ce que les Saoudiens dépensent chaque année dans le football et le golf, et représenterait moins de la moitié de ce qu’ils étaient semble-t-il prêts à payer pour acquérir la Formule 1.

Par ailleurs, une taxe sur les revenus exceptionnels provenant des combustibles fossiles pourrait inciter tous les pays développés à verser une contribution. Le principe d’un partage équitable du fardeau est simple : les pays et les industries qui ont historiquement contribué le plus aux émissions de GES, et qui bénéficient des revenus par habitant les plus élevés, devraient supporter une plus grande part des coûts.

Une partie de la taxe de 25 milliards $ devrait être directement allouée au fonds pertes et dommages. Le reste devrait servir de capital libéré pour une nouvelle facilité de financement climatique visant à soutenir les pays du Sud. Ce capital serait ensuite complété par des garanties de plusieurs milliards de dollars de la part des plus grands émetteurs de la planète. Les BMD pourraient alors exploiter ces fonds, et potentiellement quadrupler les ressources disponibles pour les pays à revenu faible et intermédiaire.

Cette utilisation stratégique de garanties a été approuvée par plusieurs organismes internationaux, et mise en évidence dans trois rapports récents adressés au G20, notamment ceux rédigés par l’économiste N.K. Singh et l’ancien secrétaire du Trésor américain Lawrence H. Summers. L’adoption de la proposition Singh-Summers de multiplication par trois des dépenses annuelles de la Banque mondiale, pour atteindre 390 milliards $, ainsi que de l’initiative de la Première ministre barbadienne Mia Amor Mottley consistant à consacrer 100 milliards $ de financement international aux pays du Sud, constituerait une avancée majeure vers la mobilisation de l’investissement annuel de 1 000 milliards $ nécessaire aux pays les plus pauvres, afin d’accélérer leur transition vers un avenir résilient face au climat, et de leur permettre d’atteindre leurs objectifs de développement.

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